Cardano Africa : La Révolution Silencieuse des Communautés Francophones

Date : Samedi 07/06/2025 (session hebdomadaire)
Animateurs : Laurentine Kassa (responsable Inkuba Hub), Boaz (responsable Goma Hub)
Participants : Communautés francophones de RDC, Burkina Faso, Côte d’Ivoire

Rappel de la Session Précédente

Nico a brièvement résumé la réunion du 31 mai animée par Mme Laurentine Kassa et M. Boas. Cette session avait permis de présenter la blockchain Cardano et de recueillir les témoignages d’expérience des membres actifs comme Olivier (réviseur communautaire depuis 2021), Boaz (Responsable de Goma Hub), Honoré (team lead Goma) et les nouveaux membres comme John. Les principales problématiques identifiées étaient la marginalisation de l’Afrique dans l’écosystème (aucun projet africain financé récemment), et les défis du nouveau système de vote. Les participants avaient proposé des améliorations incluant la création d’une blockchain africaine et l’importance du développement personnel dans les formations.

Projet Safrochain

Boaz a révélé qu’une équipe issue de la communauté Cardano développe actuellement Safrochain, une blockchain destinée à incarner la philosophie africaine tout en restant ouverte mondialement. Ce projet répond directement aux suggestions émises lors de la session précédente concernant une blockchain dédiée à l’Afrique.

Analyse des Défis Africains Prioritaires

L’objectif principal de cette session était d’identifier collectivement les problèmes concrets où la blockchain peut apporter une valeur ajoutée en Afrique. Boaz a posé deux questions fondamentales aux participants : quels sont les trois principaux défis de leur pays ou région que la blockchain pourrait résoudre, et s’ils avaient des exemples concrets de problèmes vécus dans leur entourage. Les domaines d’exploration incluaient les services financiers, la transparence électorale, l’agriculture, la santé, l’éducation, le foncier et l’entrepreneuriat.

Circulation Monétaire et Services Financiers

Jonathan Bikose de Goma a exposé un problème critique touchant sa ville : les difficultés de circulation monétaire aggravées par la fermeture des banques et les dysfonctionnements des services de mobile money. Il a expliqué que même en ayant de l’argent sur sa carte SIM, il est souvent impossible de le retirer à cause de l’insuffisance de liquidités en ville. De plus, les détenteurs de dollars subissent des taux de change défavorables imposés par les opérateurs. Jonathan a proposé que la blockchain puisse résoudre ces problèmes en permettant la circulation de monnaies numériques, contournant ainsi les limitations du système bancaire traditionnel.

Boaz a complété cette intervention en soulignant l’enjeu de la volatilité des crypto-monnaies, qui constitue un frein majeur à l’adoption. Laurentine a renchéri en évoquant un projet concret auquel elle participe : un système de tontines basé sur la blockchain. Elle s’est interrogée sur la faisabilité pratique d’un tel système, expliquant qu’une personne habituée à cotiser 10 000 francs CFA mensuels dans sa tontine traditionnelle pourrait se retrouver à débourser davantage pour obtenir l’équivalent en ADA selon les fluctuations du marché. Cette préoccupation illustre parfaitement les défis d’adoption que rencontrent les innovations blockchain face aux habitudes financières établies. Boas a alors proposé une solution technique : l’utilisation de stablecoins comme l’USDT, l’USDC ou le DJED de Cardano, qui maintiennent une valeur stable et permettraient d’éviter ces variations imprévisibles.

Sécurité et Lutte Contre le Financement du Terrorisme

Laurentine a présenté un cas d’usage particulièrement pertinent pour le Burkina Faso et les pays du Sahel : la lutte contre le financement du terrorisme. Elle a relaté la récente saisie de camions remplis d’armements destinés aux activités terroristes, ainsi que la découverte d’autres véhicules contenant des personnes camouflées comme des marchandises pour infiltrer la capitale. Face à ces menaces, le gouvernement burkinabé tente de contrôler les flux financiers en limitant les transferts bancaires et en exigeant des justifications pour les montants élevés.

Laurentine a proposé plusieurs solutions basées sur la blockchain : la surveillance en temps réel des transferts de fonds suspects, l’identification automatique des schémas de financement terroriste, et la création d’un registre partagé entre les pays du Sahel pour tracer les flux financiers illicites. Bien qu’elle ait admis ne pas maîtriser les aspects techniques du codage, elle était convaincue que ces solutions étaient techniquement réalisables avec la blockchain.

Archives Éducatives et Problèmes d’Identité

Nico a partagé une expérience personnelle illustrant parfaitement les défaillances des systèmes d’archivage en Afrique. Ayant passé son baccalauréat en 2017, il a récemment découvert avec un ami de promotion qu’ils ne parvenaient plus à retrouver leurs bulletins du dernier trimestre de terminale. Lorsque son père s’est rendu dans l’ancien établissement pour tenter de récupérer ces documents, il s’est retrouvé face à des archives mal organisées où il fallait fouiller manuellement dans des piles de documents sans garantie de succès.

Cette anecdote révèle un problème systémique touchant tous les établissements d’enseignement africains, qu’ils soient publics ou privés. Même avec une numérisation, les données restent vulnérables si elles sont stockées de manière centralisée. Nico a expliqué que la blockchain offrirait une solution idéale car une fois les données enregistrées, elles deviennent immuables et accessibles à vie. Ainsi, même huit ans après son baccalauréat, il pourrait encore récupérer ses bulletins en cas de besoin.

Défis Structurels de l’Adoption

Boaz a identifié trois problèmes majeurs qui freinent l’adoption de la blockchain en Afrique. Premièrement, l’éducation : bien que des formations existent, elles ne sont pas accessibles à tous et le contenu est souvent trop technique et “indigeste” pour le grand public. Il faut repenser la pédagogie et améliorer les supports de formation.

Deuxièmement, l’adoption elle-même pose problème à plusieurs niveaux. Les populations rurales utilisant des téléphones basiques peuvent-elles vraiment bénéficier de la blockchain ? Les entreprises sont-elles prêtes à adopter ces technologies ? Et surtout, les gouvernements africains, souvent gangrenés par la corruption, accepteront-ils un système qui rend toutes les transactions transparentes et immuables ?

Troisièmement, la résilience, c’est-à-dire la capacité d’adaptation aux changements technologiques, ne peut se développer qu’après avoir résolu les problèmes d’éducation et d’adoption. Il s’agit de créer une flexibilité permettant d’accepter progressivement les innovations.

Sécurité des Données de Santé

Olivier de Goma a exposé un problème vécu personnellement lors d’une visite médicale avec son frère. Les difficultés d’accès aux résultats médicaux, aggravées par des problèmes de réseau, l’ont amené à réfléchir sur l’apport potentiel de la blockchain dans le secteur de la santé. Il a proposé un système où les dossiers médicaux seraient sécurisés par cryptographie sur la blockchain, permettant aux patients d’accéder facilement à leurs informations via une application dédiée.

L’interopérabilité constitue un autre avantage majeur : un patient soigné en RDC pourrait consulter ailleurs en Afrique sans perdre son historique médical. Les médecins pourraient ainsi poursuivre les traitements en s’appuyant sur les données précédentes. Olivier a également évoqué la possibilité d’intégrer des paiements en crypto-monnaies pour améliorer la traçabilité du financement hospitalier.

Défis de la Mise en Œuvre

Laurentine a souligné en conclusion qu’il ne suffit pas de proposer des solutions blockchain sans démontrer clairement leur valeur ajoutée par rapport aux technologies web existantes. Les participants doivent être capables d’expliquer précisément pourquoi la blockchain est nécessaire pour résoudre chaque problème identifié, sous peine de se retrouver face à des questions auxquelles ils ne sauront pas répondre.

Elle a également insisté sur le besoin crucial d’experts francophones en développement blockchain pour valider techniquement ces propositions. Malheureusement, les développeurs expérimentés ne sont pas suffisamment disponibles pour participer à ces sessions communautaires.

Perspectives

Cette réunion a permis d’identifier des cas d’usage concrets et pertinents pour l’Afrique francophone. La prochaine session se concentrera sur l’approfondissement technique de ces solutions et l’invitation d’experts pour transformer ces idées en propositions viables. L’objectif final est de dépasser le stade des discussions pour créer de véritables solutions implémentables, susceptibles d’obtenir des financements et d’avoir un impact réel sur les communautés africaines.

Prochaine Réunion: Samedi 14 juin 2025 à 16h

Discord: Laurentine F Djatsa

X: https://x.com/InkubaA