đŸ‡«đŸ‡· Groupes d'enjeu au sein de Cardano


Création artistique, Mike Beeple

Prof. Aggelos Kiayias, Directeur de recherche chez I.O.H.K., prĂ©sente le principe de l’enjeu.
Traduction : The Stakhanovite Stake Pool (STKH)

Dans un protocole de preuve d’enjeu (PoS), le registre est tenu Ă  jour par les parties qui dĂ©tiennent des actifs dans ce mĂȘme registre. Cela permet aux blockchains PoS d’utiliser moins d’énergie que les blockchains basĂ©es sur la preuve de travail (PoW) ou d’autres types de protocoles. Toutefois, ce besoin impose un fardeau Ă  ces parties prenantes. Ainsi, bon nombre d’entre elles doivent ĂȘtre en ligne et maintenir une connectivitĂ© au rĂ©seau suffisamment bonne pour pouvoir collecter des transactions et permettre Ă  leurs blocs d’atteindre les autres sans retard. Il s’ensuit donc que tout registre PoS tirerait parti de nƓuds de consensus fiables, dĂ©tenant des actifs et se concentrant sur la maintenance.

Plaidoyer pour les groupes d’enjeu

La richesse est trĂšs souvent distribuĂ©e selon une loi de puissance telle que la distribution de Pareto. Il en rĂ©sulte donc qu’exĂ©cuter le protocole PoS sur des noeuds fiables ne serait une option viable que pour une minoritĂ© de riches propriĂ©taires d’actifs, ne laissant Ă  la plupart des utilisateurs aucune possibilitĂ© de pouvoir faire ce travail. Cela n’est pas dĂ©sirable ; il serait mieux que tout le monde puisse maintenir le registre. Une approche permettant de rectifier ce problĂšme consiste Ă  autoriser la crĂ©ation de groupes d’enjeu. Plus prĂ©cisĂ©ment, cela fait rĂ©fĂ©rence Ă  la capacitĂ© des parties prenantes Ă  combiner leurs actifs au sein d’une entitĂ©, un groupe d’enjeu, qui peut alors exĂ©cuter le protocole PoS en utilisant la somme des actifs qui lui ont Ă©tĂ© dĂ©lĂ©guĂ©s par ses membres. Un groupe aura un gestionnaire responsable de l’exĂ©cution de ce service, et donc du traitement des transactions. En mĂȘme temps, ce gestionnaire ne devra pas possĂ©der la capacitĂ© de dĂ©penser les actifs qui lui auront Ă©tĂ© dĂ©lĂ©guĂ©s, tandis que les membres reprĂ©sentĂ©s par ce groupe d’enjeu seront libres de changer d’avis et donc de groupe selon leurs souhaits et Ă  l’envie. Enfin, et de maniĂšre importante, toute partie dĂ©tenant des actifs doit pouvoir devenir gestionnaire de groupe si elle le souhaite.

La participation au maintien d’un registre PoS implique des coĂ»ts. Cela n’est sĂ»rement pas aussi Ă©levĂ© que dans le cas d’un protocole PoW, mais cela reste significatif. Il semble donc normal que la communautĂ© des parties prenantes rĂ©compensent ceux qui maintiennent le registre, installent des serveurs et traitent les transactions. Cela peut ĂȘtre fait en combinant les contributions faites par les utilisateurs du registre (frais de transactions) et l’inflation de la monnaie en circulation (de le nouvelle monnaie est introduite et donnĂ©e en rĂ©compense Ă  ceux qui exĂ©cutent le protocole).

Dans le cas de Bitcoin, ces deux mĂ©canismes - groupes et rĂ©compenses - sont Ă  l’oeuvre. D’un cĂŽtĂ©, le minage de blocs est rĂ©compensĂ© par les frais de transactions et une rĂ©compense fixe qui diminue avec le temps en suivant une sĂ©rie gĂ©omĂ©trique. De l’autre cĂŽtĂ©, l’existence de groupes est facilitĂ©e en permettant de diviser le travail requis pour produire un bloc entre plusieurs participants et en utilisant une preuve de travail ‘partielle’ (PoW de difficultĂ© moindre que celle indiquĂ©e par l’état actuel du registre) comme Ă©vidence de la participation au groupe.

Mettre en place un type similaire de mĂ©canisme d’incitations est assez simple dans le cas d’un registre PoS. Cependant, il est important de d’abord se demander si un mĂ©canisme de ce type (ou n’importe quel mĂ©canisme) convergerait vers une configuration dĂ©sirable du systĂšme. Cela nous amĂšne Ă  la question importante : qu’est ce qu’est la configuration dĂ©sirable du systĂšme ? Si l’on s’attache Ă  minimiser les coĂ»ts de traitement des transactions, dans un environnement sans aucun problĂšme, alors la configuration optimale et la plus Ă©conomique est la dictature. Une seule des parties maintient le registre en tant que service tandis que les autres participent au groupe crĂ©Ă© par cette partie unique. Cela est trĂšs clairement un rĂ©sultat non dĂ©sirable pour la raison qu’un gestionnaire unique est aussi un point de faiblesse unique pour tout le systĂšme, ce que les registres distribuĂ©s essayent exactement d’éviter. Il s’ensuit que la coexistence de plusieurs groupes, en d’autres termes la dĂ©centralisation, devrait ĂȘtre une caractĂ©ristique dĂ©sirable du mĂ©canisme d’incitation au maintien du registre.

Partage des récompenses dans un registre PoS

A quoi devrait donc ressembler le partage des rĂ©compenses dans un environnement PoS ? Les rĂ©compenses devraient ĂȘtre donnĂ©es Ă  intervalles rĂ©guliers et les coĂ»ts de maintenance du groupe devraient ĂȘtre prĂ©levĂ©s par le gestionnaire du groupe avant de distribuer le reste de la rĂ©compense aux membres participant au groupe. Étant donnĂ© qu’il est possible de garder une trace de l’appartenance des utilisateurs Ă  un groupe donnĂ© grĂące au registre lui-mĂȘme et l’utilisation d’une clĂ© d’enjeu, le partage des rĂ©compenses Ă  l’intĂ©rieur du groupe peut ĂȘtre codĂ© par un contrat intelligent (smart contract) et devenir ainsi une tĂąche parmi les autres de maintien du registre. Tout d’abord, les gestionnaires de groupe devaient ĂȘtre rĂ©compensĂ©s pour leur esprit entrepreneurial. Un certificat de crĂ©ation de groupe postĂ© sur le registre dĂ©clarera une marge de profit qui sera dĂ©duite des rĂ©compenses totale du groupe aprĂšs avoir enlevĂ© les coĂ»ts opĂ©rationnels, qui seront aussi dĂ©clarĂ©s sur le certificat d’enregistrement. La dĂ©claration des coĂ»ts devrait ĂȘtre mise Ă  jour rĂ©guliĂšrement, de maniĂšre Ă  absorber la volatilitĂ© de la monnaie native du systĂšme (cryptomonnaie) exprimĂ©e en monnaie fiduciaire, celle qui est rĂ©ellement utilisĂ©e pour rĂ©gler ces coĂ»ts par le gestionnaire ($, €, ÂŁ, etc 
 ). En mĂȘme temps, le certificat de crĂ©ation du groupe, supportĂ© par une ou plusieurs clĂ©s d’enjeu des participants, peut dĂ©clarer une certaine quantitĂ© d’actifs soutenant ce groupe et qui peuvent (i) indiquer que ce groupe reprĂ©sente une vĂ©ritable entreprise d’un ou plusieurs propriĂ©taires d’actifs ou (ii) servir d’actifs collatĂ©raux, garantissant ainsi une exĂ©cution correcte du protocole.

Ces bases posĂ©es, comment s’en sortent les systĂšmes de type Bitcoin en ce qui concerne la dĂ©centralisation ? Chez Bitcoin, si l’on fait l’hypothĂšse que tout le monde suit le protocole, les rĂ©compenses des groupes sont partagĂ©es suivant la taille de chaque groupe. Par exemple, un groupe de mineur avec 20% de la puissance de calcul peut s’attendre Ă  obtenir 20% des rĂ©compenses. Les rĂ©compenses sont en effet proportionnelles au nombre de blocs minĂ©s par le groupe et le nombre de blocs est lui mĂȘme proportionnel Ă  la puissance de calcul de ce groupe. Cela amĂšne-t-il Ă  une dĂ©centralisation du systĂšme ? Les Ă©vidences empiriques semblent suggĂ©rer le contraire : chez Bitcoin, les groupes de mineurs sont passĂ©s prĂšs (et parfois mĂȘme passĂ©s au dessus) de la limite des 50% de la puissance de calcul, limite haute au delĂ  de laquelle la rĂ©silience du registre distribuĂ© n’est plus assurĂ©e. Un argument simple peut valider cette observation empirique dans le cadre de notre plan de partage des rĂ©compenses : si les groupes sont rĂ©compensĂ©s proportionnellement Ă  leur taille, et les membres dans ces groupes proportionnellement Ă  la taille de leur apport, le plus rationnel serait alors de tout centraliser dans un seul groupe. Pour le voir, il suffit de considĂ©rer ce qui suit. Tout d’abord, il est raisonnable d’attendre que chaque participant assez riche pour crĂ©er un groupe le fera. Il en fera la promotion avec pour objectif d’attirer des membres, de telle sorte que la rĂ©compense du groupe augmente. Les autres dĂ©tenteurs d’actifs qui ne sont pas gestionnaire de groupe se joindront au groupe qui maximisera leur rĂ©compense, c’est Ă  dire le groupe avec le coĂ»t et la marge de profit les plus faibles. Pour attirer les membres, la compĂ©tition entre groupes Ă©crasera leurs marges de profit vers des valeurs trĂšs faibles. MĂȘme avec une marge Ă©gale Ă  zĂ©ro, tous les groupes perdront face Ă  celui opĂ©rant avec les plus faibles coĂ»ts. N’ayant aucun levier pour retenir leurs membres, le groupe Ă  faible coĂ»t finira par attirer tous les membres dĂ©tenteurs d’actifs. Enfin, les autres gestionnaires de groupes rĂ©aliseront qu’ils auront tout Ă  gagner Ă  joindre ce groupe au lieu de continuer de gĂ©rer le leur, puisqu’ils percevront plus de rĂ©compenses Ă  partir des actifs qu’ils dĂ©tiennent. Finalement, le systĂšme convergera en un seul groupe dictatorial.

La figure 1 est une reprĂ©sentation graphique de ce phĂ©nomĂšne. Elle provient d’une de nos nombreuses simulations que notre Ă©quipe a menĂ©es pour Ă©laborer des systĂšmes efficaces de partage des rĂ©compenses. Dans cette expĂ©rience, un certain nombre de parties prenantes suivent un processus dynamique dans lequel elles essayent d’optimiser leurs gains en fonction de la configuration actuelle du systĂšme. L’expĂ©rience aboutit Ă  un groupe unique centralisĂ©, validant nos observations thĂ©oriques concernant les systĂšmes de type Bitcoin. Du point de vue de la dĂ©centralisation, il s’agit lĂ  d’une tragĂ©die des biens communs: mĂȘme si les participants accordent de la valeur Ă  la dĂ©centralisation en tant que concept abstrait, aucun d’entre eux ne veut en supporter seul le fardeau.

Figure 1 . Centralisation d’un systĂšme de partage des rĂ©compenses de type Bitcoin dans une simulation avec 100 parties prenantes. Au dĂ©part, un grand nombre de groupes sont crĂ©Ă©s par les parties prenantes. À tour de rĂŽle, les parties prenantes tentent de maximiser leur profit et changent de stratĂ©gie, aboutissant Ă  un point de convergence oĂč il n’existe plus qu’un seul groupe.

Un meilleur systÚme de partage des récompenses

Évidemment, nous devons faire mieux qu’une dictature ! Une premiĂšre observation est que si nous voulons rĂ©aliser la dĂ©centralisation, la linĂ©aritĂ© entre les rĂ©compenses et la taille devrait s’effacer aprĂšs un certain niveau. En effet, si la linĂ©aritĂ© est attrayante lorsque le groupe est petit et veut attirer les parties prenantes, elle devrait ĂȘtre diminuĂ©e aprĂšs un certain niveau si nous voulons donner la possibilitĂ© aux groupes plus petits d’ĂȘtre plus compĂ©titifs. Nous diviserons donc en deux le comportement du systĂšme de partage des rĂ©compenses en fonction de la taille du groupe : un stade de croissance, lorsque la linĂ©aritĂ© doit ĂȘtre respectĂ©e, et un stade de stabilisation, lorsque le groupe est suffisamment grand. Le point de transition entre les deux Ă©tats s’appellera le point de saturation et le groupe ayant dĂ©passĂ© ce point sera considĂ©rĂ© comme saturĂ©. Nous pouvons faire en sorte que les rĂ©compenses soient constantes aprĂšs le point de saturation. Ainsi, si le point de saturation est Ă©gal Ă  1% (du total des ADA d’enjeu), deux groupes reprĂ©sentant une participation totale de 1% et de 1.5% des actifs recevront la mĂȘme rĂ©compense.

Pour Ă©valuer le fonctionnement d’un tel systĂšme du point de vue d’un seul membre, considĂ©rons l’exemple suivant. Supposons qu’il existe deux groupes, A et B gĂ©rĂ©s par Alice et Bob et dont les coĂ»ts opĂ©rationnels sont respectivement de 25 et 30 piĂšces (ici la cryptomonnaie), et chacun avec une marge bĂ©nĂ©ficiaire de 4%. Supposons de plus que le total des rĂ©compenses Ă  distribuer soit de 1 000 piĂšces et que le point de saturation du mĂ©canisme de partage des rĂ©compenses soit de 20%. À un moment donnĂ©, le groupe d’Alice dĂ©tient 20% des parts, il est donc au point de saturation, alors que le groupe de Bob se situe Ă  19%. Un membre potentiel, Charlie, dĂ©tient 1% des parts et choisit maintenant quel groupe rejoindre. Rejoindre le groupe d’Alice portera la participation totale du groupe Ă  21% et, comme il a dĂ©passĂ© le point de saturation, la rĂ©compense sera de 200 piĂšces (20% du total des rĂ©compenses). En dĂ©duisant les coĂ»ts opĂ©rationnels, il restera 175 piĂšces Ă  distribuer entre Alice et les membres du groupe. AprĂšs avoir supprimĂ© la marge bĂ©nĂ©ficiaire d’Alice et pris en compte la participation relative de Charlie dans le groupe, ce dernier recevra 8 piĂšces en rĂ©compense. Si Charlie rejoint le groupe de Bob, le total des rĂ©compenses sera de 200 piĂšces, ou 170 piĂšces aprĂšs soustraction des coĂ»ts opĂ©rationnels. Cependant, Ă©tant donnĂ© que la participation de Charlie reprĂ©sente 5% (1/20) du groupe, il recevra 2% de piĂšces de plus que s’il avait rejoint le groupe d’Alice. Charlie rejoindra donc le groupe de Bob s’il veut maximiser ses rĂ©compenses.


Tableau 1. Charlie, qui détient 1% de la participation totale, envisage de rejoindre les groupes gérés par Alice, Bob, Brenda et Ben. Sa récompense est calculée en piÚces. La récompense totale est de 1000 piÚces et le point de saturation est fixé à 20%.

Maintenant, voyons ce qui se passe dans le cas oĂč Charlie est confrontĂ© Ă  la mĂȘme dĂ©cision lorsque, Ă  un stade hypothĂ©tique, le groupe d’Alice reprĂ©sentait dĂ©jĂ  20% de la participation total alors que le groupe de Bob n’était que de 3%. Dans ce cas, Bob a un trĂšs petit groupe et le total des rĂ©compenses disponibles pour ses membres est bien moindre que dans le cas prĂ©cĂ©dent. En consĂ©quence, si Charlie effectuait le mĂȘme calcul pour le groupe de Bob, sa participation de 1% donnerait une participation totale de 4% pour le groupe mais, aprĂšs calcul il ne recevrait que 30% des rĂ©compenses qu’il aurait obtenu s’il avait rejoint le groupe d’Alice. Dans un tel cas, la dĂ©cision rationnelle est de rejoindre le groupe d’Alice, alors mĂȘme que son adhĂ©sion fera en sorte que le groupe dĂ©passera le point de saturation. Voir le tableau 1 ci-dessous pour les chiffres exacts.

Être prĂ©voyant, ça compte

Ce qui prĂ©cĂšde semble ĂȘtre contradictoire. Pour comprendre ce que Charlie doit faire, nous devons comprendre le fait suivant. Le choix de Charlie de rejoindre le groupe d’Alice dans le deuxiĂšme scĂ©nario (celui oĂč Bob est Ă  3 %) n’est rationnel qu’à trĂšs court terme (ou myope). De fait, et comme le montre le premier scĂ©nario (Bob Ă  19 %), le groupe de Bob est meilleur pour Charlie Ă  condition que le groupe de Bob atteigne le point de saturation. Ainsi, si Charlie pense que le groupe de Bob atteindra le point de saturation, le choix rationnel serait de le soutenir. D’autres parties prenantes feront de mĂȘme et le groupe de Bob atteindra rapidement le point de saturation, augmentant les rĂ©compenses de tous ceux qui y ont participĂ©, tout en soutenant en mĂȘme temps l’idĂ©al de la dĂ©centralisation : au lieu de s’agrandir constamment, le groupe d’Alice s’arrĂȘtera au point de saturation et les autres auront la possibilitĂ© de croĂźtre Ă  la mĂȘme taille. Ce type de rĂ©flexion stratĂ©gique de la part des parties prenantes est plus avisĂ© (non myope) et, comme nous le verrons, a la capacitĂ© d’aider Ă  converger vers des configurations dĂ©centralisĂ©es souhaitables pour le systĂšme.

Il est inĂ©vitable que durant son Ă©volution, le systĂšme atteigne des moments cruciaux dans lesquels il sera essentiel que les parties prenantes exercent une rĂ©flexion Ă  long terme, comme dans le scĂ©nario ci-dessus oĂč le groupe d’Alice atteint le point de saturation alors que les autres sont encore petits. La raison est qu’étant donnĂ© les circonstances propres Ă  chaque gestionnaire de groupe d’enjeu, les coĂ»ts opĂ©rationnels varieront en fonction de la population des parties prenantes. Il faut donc s’attendre Ă  ce que, Ă  partir du point zĂ©ro oĂč il n’existe aucun groupe d’enjeu, le groupe prĂ©sentant le coĂ»t d’exploitation le plus bas sera Ă©galement le premier Ă  se dĂ©velopper. Cela est naturel dans la mesure ou des coĂ»ts opĂ©rationnels bas laissent une plus grande rĂ©compense Ă  rĂ©partir entre les membres du groupe. On peut s’attendre Ă  ce que le systĂšme atteigne des moments, comme celui du deuxiĂšme scĂ©nario ci-dessus, oĂč le groupe le plus compĂ©titif (celui d’Alice avec un coĂ»t opĂ©rationnel de 25 piĂšces) a atteint le point de saturation, tandis que le deuxiĂšme le plus concurrentiel (celui de Bob avec un coĂ»t opĂ©rationnel de 30 piĂšces) est encore Ă  un faible niveau d’adhĂ©sion.

On pourrait ĂȘtre tentĂ© d’envisager une rĂ©flexion Ă  long terme basĂ© sur un systĂšme de partage des rĂ©compenses de type Bitcoin et penser qu’il peut lui aussi aider Ă  converger vers la dĂ©centralisation. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Dans un systĂšme similaire Ă  Bitcoin -contrairement Ă  notre systĂšme de partage des rĂ©compenses avec point de saturation - il ne sert Ă  rien de dĂ©velopper les groupes d’Alice et de Bob avec l’idĂ©e que le groupe de Bob deviendra plus attrayant aux yeux de Charlie. En effet, sans point de saturation, le plus grand groupe d’Alice offrira toujours plus de rĂ©compenses Ă  Charlie : cela tient au fait que les coĂ»ts opĂ©rationnels d’Alice sont moins importants et qu’ils laissent donc plus de rĂ©compenses Ă  toutes les parties prenantes. Cela laissera le groupe de Bob sans aucun membre et, comme indiquĂ© ci-dessus, le choix rationnel pour Bob sera de dissoudre son groupe et de rejoindre Alice, faisant d’Alice le dictateur du systĂšme.

Pour en revenir Ă  notre programme de partage des rĂ©compenses, nous avons Ă©tabli qu’une stratĂ©gie non-myope favorise la dĂ©centralisation ; toutefois, il reste un point important. À un moment crucial, lorsque Charlie - acteur non-myope - dĂ©cide rationnellement de renoncer Ă  rejoindre le groupe saturĂ© d’Alice, il peut choisir parmi un certain nombre d’autres groupes. Par exemple, avec le groupe de Bob qui a des coĂ»ts opĂ©rationnels de 30 et une marge bĂ©nĂ©ficiaire de 4%, le groupe de Brenda avec un coĂ»t opĂ©rationnel de 33 et une marge bĂ©nĂ©ficiaire de 2%, et le groupe de Ben avec un coĂ»t opĂ©rationnel de 36 et une marge bĂ©nĂ©ficiaire 1%. Le choix rationnel serait d’aller chez celui qui atteindra le point de saturation ; Y a-t-il un moyen de prĂ©dire lequel sera le meilleur choix ? Dans notre document d’analyse complet, nous fournissons un mĂ©canisme explicite qui classe les groupes en fonction de leur dĂ©sirabilitĂ© en utilisant les informations concernant chaque groupe d’enjeu et consignĂ©es dans le registre. Cela peut aider les parties prenantes Ă  faire le meilleur choix Ă  tout moment. Dans notre exemple, c’est le groupe de Brenda que Charlie devrait rejoindre s’il veut maximiser ses rĂ©compenses (voir tableau 1). Pour aider les utilisateurs de Cardano, ce mĂ©canisme de tri des groupes sera intĂ©grĂ© Ă  Daedalus (et Ă  d’autres portefeuilles compatibles avec Cardano) et offrira aussi une reprĂ©sentation visuelle des meilleurs choix Ă  faire pour les parties prenantes, en utilisant les informations relatives aux inscriptions dans les groupes contenues dans le registre.

Évaluation expĂ©rimentale

Comment se comporte notre systĂšme de rĂ©compense pour ce qui est de la dĂ©centralisation ? Dans notre analyse complĂšte, nous prouvons qu’il existe une classe de configurations de systĂšmes dĂ©centralisĂ©s qui sont des â€œĂ©quilibres de Nash non-myopes”. Une stratĂ©gie d’équilibre signifie ici que les parties prenantes disposent d’un moyen spĂ©cifique de crĂ©er des groupes, d’en dĂ©finir les marges de profit et/ou de dĂ©lĂ©guer leurs actifs Ă  d’autres groupes, de sorte qu’aucune partie prenante ayant une vision Ă  long terme n’ait intĂ©rĂȘt Ă  suivre une stratĂ©gie diffĂ©rente. De plus, nous dĂ©montrons expĂ©rimentalement que le jeu entre acteurs ayant une pensĂ©e non-myope converge rapidement vers cet Ă©quilibre, comme le montre la figure 2.

Figure 2. DĂ©centralisation observĂ©e avec notre systĂšme de partage des rĂ©compenses dans une simulation avec 100 parties prenantes et un point de saturation fixĂ© Ă  10%. Les groupes sont progressivement crĂ©Ă©s par les parties prenantes. À tour de rĂŽle, les parties prenantes tentent de maximiser leurs rĂ©compense de façon non-myope, ce qui aboutit Ă  un point de convergence comportant 10 groupes, avec chacun une part Ă©gale de la participation totale. À la fin, aucun participant rationnel ne souhaite changer l’état du systĂšme.

Une caractĂ©ristique de notre approche est que le nombre de groupes n’est qu’une partie de la description du systĂšme de partage des rĂ©compenses et n’est donc nullement imposĂ© par le systĂšme aux parties prenantes. Cela signifie que les parties prenantes sont libres d’expĂ©rimenter avec la crĂ©ation de groupe et la dĂ©lĂ©gation de participation sans se conformer Ă  aucune architecture prĂ©dĂ©terminĂ©e. Cela est en contraste avec les autres approches adoptĂ©es par d’autres systĂšmes PoS, tel que EOS, dans lequel le nombre de groupes est un paramĂštre fixe du systĂšme de consensus (plus prĂ©cisĂ©ment, 21 groupes). Dans le mĂȘme temps, notre approche permet Ă  l’ensemble des parties prenantes d’exprimer leur volontĂ©, en rejoignant et en quittant librement des groupes, en recevant des rĂ©compenses garanties pour leur participation tout en tĂ©moignant de l’impact positif de leurs actions sur la gestion du registre distribuĂ©, et ce quelque soit la somme de leurs actifs en jeu. Cela est aussi en contraste avec d’autres approches dans les systĂšmes PoS, tel que Ethereum 2.0, dans lequel la maintenance du registre est effectuĂ©e par des validateurs enregistrĂ©s sur la base d’un dĂ©pĂŽt de garantie et sans processus de vĂ©rification par l’ensemble des parties prenantes.

Quel est alors le choix judicieux du nombre de groupes Ă  atteindre dans le systĂšme de rĂ©compense de Cardano? Étant donnĂ© que la dĂ©centralisation est notre objectif principal, il est judicieux de dĂ©finir ce paramĂštre au plus haut possible. Nos expĂ©riences de rĂ©seaux ont montrĂ© que le systĂšme peut toujours fonctionner efficacement avec 1 000 groupes en mĂȘme temps. En choisissant un seuil de saturation pour notre systĂšme de partage des rĂ©compenses basĂ© sur ce nombre, il sera rentable de disposer d’un groupe d’enjeu, mĂȘme si la participation totale qui y est dĂ©lĂ©guĂ©e ne reprĂ©sente que 0,1% de la circulation totale d’Ada.

PrĂ©voir les attaques de type ‘Sybil’

Étant donnĂ© que la dĂ©centralisation peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e par un grand nombre de groupes indĂ©pendants, il est Ă©galement important de voir si certaines configurations du systĂšme dĂ©centralisĂ©es sont plus prĂ©fĂ©rables que d’autres. Comme dĂ©crit jusqu’ici dans notre article, notre systĂšme de partage des rĂ©compenses dirigera les parties prenantes rationnelles vers la promotion des groupes d’enjeu qui auront les coĂ»ts le plus faible. MĂȘme si cela maximise les rĂ©compenses et minimise les coĂ»ts, il ne s’agit pas forcĂ©ment du rĂ©sultat le plus souhaitable. La raison en est qu’au point d’équilibre, on peut voir un ensemble de parties prenantes promues en tant que gestionnaires de groupes d’enjeu et qui possĂšdent collectivement trĂšs peu d’enjeu. Ce dĂ©sĂ©quilibre, dans lequel un faible montant d’enjeu reprĂ©sente l’ensemble de l’enjeu du systĂšme, peut ĂȘtre prĂ©judiciable Ă  bien des Ă©gards : les gestionnaires de groupes d’enjeu peuvent ĂȘtre enclins Ă  la corruption, ou peut-ĂȘtre pire encore, un acteur important peut enregistrer de nombreux groupes d’enjeu dans l’espoir de contrĂŽler l’ensemble de l’écosystĂšme, rĂ©alisant ainsi une attaque de type ‘Sybil’ qui nuirait Ă  la dĂ©centralisation. Pour cette raison, le schĂ©ma de partage des rĂ©compenses prĂ©sentĂ© dans notre document d’analyse complet est modifiĂ© de maniĂšre Ă  tenir compte de l’enjeu adossĂ© au groupe (un fond de garantie), de sorte que ce type de comportement soit attĂ©nuĂ©. Nous approfondirons cet aspect du partage des rĂ©compenses de Cardano dans un prochain article de blog.